Écologie et cohérence sur le web

Depuis des mois, je teste tous les sites qui militent pour l’écologie quand je les visite. Ils sont politiques, institutionnels, associatifs ou personnels. Malheureusement, leur bilan carbone est souvent médiocre.

Cette situation m’interroge. J’essaie d’en comprendre les raisons, sans chercher à dénoncer les mauvais élèves.

Ne pas voir l’impact du numérique

On pourrait penser que l’impact énergétique du numérique passe sous le radar. Pourtant, de nombreux sites écologistes sont les premiers à parler de 5G, d’intelligence artificielle et de cloud. Je ne peux donc pas légitimement estimer que le coût du numérique soit inconnu.

Peut-être que les responsables des organisations estiment que leur «petit» site est peu problématique. C’est une pente glissante. Avec le même type de raisonnement, je pourrais me demander pourquoi baisser mon chauffage de quelques degrés. Je ne vais pas sauver les glaciers.

Le principe de cohérence:

Toutes les présences numériques ont des coûts énergétiques. Donc la présence numérique de notre organisation a aussi un coût, même minime.

Tests faciles et compétence technique

Évidemment, c’est très facile de voir que ma consommation de chauffage diminue parce que j’ai décidé d’avoir froid. Mais je ne vois pas la facture énergétique de mon site.

Il n’est pas possible d’estimer que toute organisation a les compétences techniques en interne pour évaluer sérieusement son site web. Difficile, sans un profil technique, de voir si une image est mal dimensionnée, si le code Javascript est trop lourd, etc.

Je pourrais répondre qu’il existe des spécialistes dans ce domaine. Puisque j’ai pas de compétences en panneaux solaires, j’appelle un·e spécialiste. Pourquoi en serait-il autrement de mon site? La bonne nouvelle, c’est qu’il existe d’excellents outils pour évaluer un bilan carbone sans effort.

Il suffit de copier une adresse dans le Website Carbon Calculator pour obtenir une indication globale en quelques secondes.

On peut aller un peu plus loin avec Ecograder qui va détailler ses résultats. Ou on peut se rendre chez PageSpeed Insights et s’intéresser au bilan de performance. La performance n’est pas le bilan écologique, mais toutes les lourdeurs inutiles qui sont signalées sont intéressantes.

Le principe de cohérence:

Notre organisation propose un site web (bien) meilleur que la moyenne du moment. Nous testons régulièrement notre bilan carbone.

Ce qui n’est pas produit ne consomme rien

Ce qui m’interpelle le plus dans cette question de cohérence, c’est d’oublier des règles de base. Toute personne douée de raison se rend compte que ce qui est le plus léger, c’est ce qui n’est jamais produit.

Pas besoin non plus de compétences très pointues pour savoir que le texte est plus léger que les images et que les images sont plus légères que la vidéo.

La logique classique, c’est de supprimer ce qui est le moins important. C’est une sorte de détox numérique.

La bonne solution, c’est plutôt de se demander, toujours ce qui est nécessaire. Avant d’ajouter une fonctionnalité, puis d’évaluer son bilan carbone, il faut se demander s’il y a besoin d’elle.

Une image (même d’arbres verts) n’est pas forcément utile pour porter ses arguments. Plutôt que d’optimiser une image superflue, mieux vaut ne pas l’afficher du tout (et passer son texte en vert).

Le principe de cohérence:

À chaque étape de conception de notre présence numérique, notre organisation se demande ce qui est nécessaire, utile ou superflu. Notre sobriété numérique, c’est de savoir fixer des priorités et de travailler sur l’essentiel.

Gouvernance & cahier des charges

Le vrai problème des sites médiocres, c’est celui de la gouvernance de l’organisation. Ce n’est pas une question de web ou de technique, mais une question de gestion et d’objectifs.

Il est nécessaire de nommer une personne en charge des bonnes pratiques de l’institution elle-même. Elle se chargera d’analyser les pratiques de mobilité, de chauffage, de consommation, etc. internes.

Si ces personnes existaient, elles veilleraient à ce que le cahier des charges du site web mentionne au moins les éléments suivants:

Le principe de cohérence:

La démarche d’écoconception fait partie de tous les projets de notre organisation. Une personne (une équipe) a pour tâche spécifique de veiller à son application à toutes les étapes de développement et d’utilisation.

Favoriser la surconsommation par sa négligence

Le principal problème des sites web peu performants, c’est qu’ils incitent à la surconsommation. Ils consomment trop de ressources par rapport à ce qu’ils proposent. C’est malheureux mais ce n’est pas le plus grave.

Quand un site est lourd et mal conçu, il s’affiche mal si le périphérique est ancien ou de gamme moyenne. Il demande plus de bande passante. Parfois, il n’est pas pleinement fonctionnel.

Au final, il convainc les internautes à changer de matériel pour obtenir une expérience de navigation décente.

Le principe de cohérence:

Notre organisation propose un site léger et efficace. Elle veille à permettre une utilisation adéquate sur tout périphérique. Elle estime qu’elle doit améliorer sa présence sur le web pour ne pas imposer de nouveaux matériels.

Incohérence et faiblesse du discours

Comme j’ai un profil technique, j’ai tendance à passer un site à la moulinette et à émettre un jugement rapide. Il n’est pas écoconçu, incompatible avec les valeurs prônées par l’organisation. C’est tout le discours qui est décrédibilisé.

Heureusement pour les organisations à visée écologique, le monde semble moins tranché que moi. Pourtant, je suis convaincu que la cohérence entre discours et actes est essentiel pour faire passer un message.

Ignorer les efforts nécessaires et cacher les faiblesses sous le tapis est une stratégie risquée (et perdante).


Je suis très réservé sur l’idée d’un badge (comme Website Carbon Badge) pour afficher son bilan carbone. C’est discutable d’utiliser des ressources (mêmes minimes) pour prouver que l’on utilise peu de ressources. Mais peut-être qu’il est nécessaire de recourir à de tels artifices pour faire passer un message.

Pour mieux faire, on peut simplement ajouter un lien vers le test de cette page. Cliquez pour savoir si mon discours est crédible!