Métadiscours et sites personnels

Un blog court toujours le risque de glisser vers le métadiscours. Autrement dit, de parler avant tout de lui-même. C’est particulièrement le cas pour tout site qui parle du web. Mais ce n’est pas un problème en soi.

Une brève définition du métadiscours selon la page de Wikipédia en anglais metadiscourse en dit un peu plus:

Dans la philosophie du langage, le métadiscours est une discussion sur une discussion, par opposition à une simple discussion sur un sujet donné.

Le paradoxe suivant est posé. Si je ne parle que de mon blog sur mon blog, j’ai l’impression de tourner en rond. Mais, quand je lis de blogs techniques, j’observe que les billets qui parlent des coulisses du site sont ceux qui m’intéressent le plus. Un équilibre doit être possible.

L’exemple de la page /now

Il y a quelques années, Derek Sivers a proposé de publier de page /now sur nos sites. Elle a pour vocation de parler de ce sur quoi les blogueurs et blogueuse sont focalisés actuellement. Elle se distingue des pages à propos et contact qui donnent des informations pérennes.

Une petite phrase de Joachim Robert sur les pages /now m’a interpellé:

Moins un blog est mis à jour, plus il y a de probabilité que ce qui y est publié a pour sujet les aspects techniques dudit blog.

Elle a été signalée dans le billet Liens par David Larlet, qui ajoute:

J’ai ri. Je n’ai jamais fait une telle page car je sais que je n’arriverais pas à la maintenir à jour.

Il a raison. Ce sur quoi une personne qui gère un site travaille actuellement devrait se voir par l’actualité de ses publications. Finalement, un blog vivant est déjà une pagee /now en soi. C’est pourquoi, en l’état, je me limiterai à des nouveaux billets.

Rédiger une page dédiée, c’est tomber dans le métadiscours pour le métadiscours. Sauf quand une telle page est aboutie et dynamique comme la page /now de Cory Dransfeldt. Il a même proposé une vidéo sur le sujet: Building a performant /now page using 11ty. C’est donc un métadiscours sur une page de métadiscours!

Contenus utiles et contenus réflexifs

De manière un peu caricaturale, il existe 2 types de contenus:

Mais qui s’intéresse un peu à la publications sur le web se rendra rapidement compte que c’est beaucoup plus compliqué. Il vaut la peine de relire [Enseignements du framework Diátaxis]/blog/diataxis-introduction/ et sortir de la caricature.

Très souvent, les contenus réflexifs sur des projets web permettent de beaucoup mieux choisir ses outils. Dans ce cas, j’ai besoin du métadiscours sur les choix opérés, le pourquoi. Je ne cherche pas le «meilleur», mais le mieux adapté à mes besoins. Par exemple celui qui est presque aussi bon que le meilleur, mais beaucoup plus facile à utiliser. J’en parle dans Philosophie d’optimisation raisonnable

Se centrer sur soi ou élargir le propos

En rédigeant Lancer un blog en 2025(?), je me suis demandé si je parlais de ma présence en ligne ou de l’importance des sites personnels au sens large. Je parlais d’un blog, mais je parlais surtout d’une thématique plus large: la merdification des choses.

Dans Garanti sans ChatGPT (ou pas), je suis parti de mon site pour parler d’un sujet beaucoup plus général. La question de savoir s’il fallait ajouter une mention du type rédigé sans intelligence artificielle n’était que le point de départ pour parler d’un sujet de société.

Quand le développeur Max Böck propose un système de changement de couleur du site dans Color Theme Switcher, difficile de dire s’il parle de son site ou de développement web.

Quand je propose le billet Recherche statique performante avec PageFind, est-ce que je parle de mon blog ou de recherche sur le web? Ou plutôt de l’importance des règles Opquast et de la veille technologique?

C’est tout l’intérêt d’un blog qui parle en «je» (explicitement ou implicitement). C’est justement ce que j’y cherche. C’est encore plus vrai quand la thématique principale d’un blog est le web.

Dévoiler les coulisses

Parfois, il existe assez de production de contenu pour ne pas avoir «besoin» de faire du métadiscours. C’est le cas du blog de ma femme Diane Friedli. Elle y publie ses prédications, des contes de Noël, des recensions, etc. Elle n’aurait pas besoin de parler des coulisses… et pourtant elle le fait.

Dans Poème acidulé pour les ados, elle rappelle le contexte de production et propose quelques lignes sur ses études en théologie. Elle aurait pu nous donner le texte seul; elle a choisi de le contextualiser.

Et dans Ce blog a 10 ans, est-ce qu’elle s’exprime vraiment au sujet de son blog? Ou est-ce qu’elle dit quelque chose sur sa vocation pastorale et sa manière de pratiquer son métier? Est-ce qu’elle tend une perche à ses collègues pour les inciter à bloguer aussi?

Ce genre de contenu, qui propose discours et métadiscours, est ce qui fait toute la richesse des blogs et des sites personnels. Au final, les internautes ne n’y trompent pas, il y a bien une personne derrière le texte. Si celles et ceux qui s’expriment publiquement ouvraient les portes du laboratoire, la question des IA (intelligences artificielles) serait abordée autrement. Il n’y a pas de honte à utiliser ChatGPT ou à reprendre de l’existant, à condition de dire quelque chose de sa démarche, de ses forces, de ses limites et de la pertinence du résultat.

Personnes ou organisations

J’ai un attachement aux personnes beaucoup plus qu’aux organismes et aux institutions. C’est d’ailleurs pour cette raison que j’ai libellé ainsi tous les intitulés de ma page liens, même quand les sites ont un autre nom officiel. Quand les organisations ajoutent du métadiscours, c’est presque toujours du bullshit pour se justifier (et c’est mortifère). Quand des blogueurs et blogueuses parlent de leur blog, c’est la vraie vie qui surgit.

Envoi

Est-il encore possible de toucher les internautes en se réfugiant derrière l’académisme du nous ou le verbiage des organisations? À quoi bon (essayer de) vulgariser s’il n’y a pas de présence humaine pour nous prendre par la main? Finalement, que signifie choisir la vie dans nos modalités d’expression sur le web?

Nous en sommes à installer des extensions de navigateurs pour détecter les contenus générés par IA. Il faudrait profiter du même élan pour détecter les contenus vides.

Le métadiscours, malgré ses faiblesses et ses limites, est toujours ce qu’il y a de plus riche. Il révèle la personne derrière le texte. C’est précisément ce qui manque à tant de contenus aujourd’hui.


Ce billet reprend une ancienne publication. J’ai essayé de fournir à ChatGPT cette archive et un liste de liens frais. Puis une trame rédactionnelle. J’ai obtenu un article correct mais complètement banal sur le métadiscours. Il était à l’exact opposé ce que que je prétends (et tente de faire) ici.